Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 25 février 2018.
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Muriel Valat-B crée à travers un art aussi rupestre que contemporain. Curieusement, le point — qu’il soit passé empiété ou non– crée d’étranges figures qui ne sont pas sans rappeler Cy Twombly. Comme pour lui ; créer revient à décréer afin de mieux proposer des voyages. La « couseuse » reprenant un fil premier et parfois un fil perdu pour à la fois réunir et disséminer selon des mélodies particulières : christiques (la croix) ou sensuelles (le téton suggéré).
D’où la présence de plages ou de coques arachnéennes où la vie se trame selon une métaphysique qui trame un univers physique où le textile crée une présence allégorique. Muriel Valat-B suggère le sentiment diffus d’un étrange accomplissement en devenir au sein de ce qui semble revenir à des festons premiers. Autour de ce qui se coud subsiste une multitude de possibilités. Le flux des processus vitaux trouve une nouvelle figuration libérée des références classiques de la psyché. L’être est donné dans le sentir d’une présence de « prises » d’espaces sourdement remplis mais aussi nourris d’intervalles.
Les œuvres interpellent nos certitudes par traversées et filtrages. La répétition des points est toujours contrariée par leurs tailles inégales. Ils s’interrompent parfois et reprennent pour donner un souffle aux formes afin que l’imaginaire crée un espace distancié mais prégnant. Le textile gagne en ouvertures dans de tels tracés et couleurs comme si la main de la créatrice le façonnait « aveuglément » pour le faire apparaître autrement. C’est une manière de faire surgir une réalité plus expressive et impressive par un traitement particulier de la compacité et l’opacité du matériau (toile et fils).
Muriel Valat-b inscrit de la sorte son travail dans la prédiction mallarméenne : ” rien n’aura lieu que le lieu “. Cassant le chaos par ses géométries vagabondes, une modalité de rupture et de rapiècement crée des présences étonnantes en un arpentage où des niches apparaissent ça et là dans le plein ou par un seul effet de périmètres optiques. Tout pose un questionnement essentiel sur les notions de présence et d’espace.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
La joie et parfois rien, hélas !
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Parfois la petite pleureuse pointe son nez, mais je la laisse partir.
Jouer, j’essaie de jouer
A quoi avez-vous renoncé ?
À rien, hélas !
D’où venez-vous ?
Laisser s’effacer la mémoire.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Tout.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Caresser le chat gris, encore et encore.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes?
Le fait de vouloir leur ressembler et de ne pas y parvenir.
Comment définiriez-vous votre approche du textile ?
Du bout des doigts.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Le mur blanc dans le salon de mes parents (à l’époque du règne du papier peint, une rareté, une chance à saisir) que je m’apprêtais à investir avec mes crayons de couleurs, tentative interrompue par ma mère.
Et votre première lecture ?
Peut-être un « Oui-Oui » ? dans le lit à côté de ma sœur.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Tous, je les relis tous, ou bien je ne les finis pas.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous.
Quelles musiques écoutez-vous ?
En fait tout, tout, tout, en ce moment Arvo Pärt « Alina », les Clash, Iyeoka, Mélissa Devaux, stabat mater Pergolese, chants séfarades, Fateh Ali Kahn, Oum Kalsoum.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Joker !
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
À vous jusqu’à aujourd’hui.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Perpignan Berlin Calcutta.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je n’aime pas trop les Panthéon, et puis je n’ai pas de mémoire, je vais oublier les essentiels et me sentir abandonnée (je voudrais tous les serrer contre moi) ou craindre de citer ceux que je n’aurais pas dû citer, quel piège !
Mais je me risque tout de même car c’est trop bon d’évoquer et de partager les noms des « amis invisibles » selon l’expression de mon amie auteur, Sylvie Doizel et Les 3 « Marguerite » qui ont rythmé ma vie, Duras à l’adolescence, Yourcenar plus tard et la maturité, Marguerite Porete.Cy Twombly !! Mark Rothko, Mark Tobey beaucoup d’autres,
Eva Hesse, Pierrette Bloch, Julius Bissier, Chillida, Fautrier, Robert Morris, De Kooning, Klee, Penone, Toko Shinoda, Vieira da Silva, De Vries, Joan Mitchell, Helen Frankenthaler, Nelly Sachs, Jacottet, Christophe Tarkos, Thoreau (Walden), Sylvie Doizelet (l’ami invisible) et tous les vivants-amis artistes ou auteurs que je côtoie, évoquer tous les noms de ces éveilleurs est un pur bonheur, comme si un univers surgissait à chaque fois,
Et puis, c’est aussi parfois dans l’instant, il se passe quelque chose, ça peut-être avec une seule œuvre d’un artiste.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un an de moins
Que défendez-vous ?
Mon os (encore hélas !)
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Une franche rigolade, libérateur !
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Eh bien oui !
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Êtes-vous prête ?