Un temps filaire

UN TEMPS FILAIRE a threaded time Nadia Lichtig et Muriel Valat-B

On parle fréquemment dans nos sociétés connectées de la technologie filaire pour désigner des protocoles d’implémentation de systèmes de communication numérique. Ainsi le câble de cuivre ou la fibre optique se disputent la vitesse de connexion et de transmission des données. Hartmut Rosa note qu’à « l’ère de la mondialisation et du règne de l’actualité que représente internet, le temps est de plus en plus conçu comme un élément de compression ou même d’annihilation de l’espace»[1]. Mais si la technologie filaire contracte le temps et l’espace, et produit ainsi une accélération sociale, nous voulons penser un autre temps filaire, un temps qui étire, tisse et tresse nos existences et nos récits intimes. Filer en français c’est travailler le fil et la trame mais c’est aussi fuir, partir soudainement, je file quand je décide de disparaître, quand je décide de faire avec la disparition. Rien de commun avec la compression mais a contrario, ce sont de longs processus plastiques de redéfinition des espaces intimes et émotionnels qui sont convoqués et intriqués ici jusqu’à dissoudre les matériaux dans d’autres formes d’existences. Ce temps filaire qui spatialise, étire ou met le temps à l’arrêt, est mis en demeure dans les œuvres de Nadia Lichtig et de Muriel Valat-B. Les séries Pictures of Nothing ou Pelha sont avant tout des gestes qui se tiennent dans le temps long et l’étendue, entre héritage et témoignage, chacune accordant à la reprise une puissance de réinvention, d’oscillation entre épanouissement et évanouissement [2].

Muriel Valat-B, repriser le temps

Sur des tissus découpés dans des vêtements usagés qui ont appartenu à l’artiste ou à des proches, ou encore sur des lés d’organdi, Muriel Valat-B fait des points de couture et de broderie. Avec ces lambeaux, elle frotte, essuie, ramasse dans l’atelier des pigments, de l’huile, de l’acrylique. Elle brode et coud comme elle pratique la gravure. L’encrage est ce moment d’imprégnation, d’examen de la profondeur d’un sillon, d’une trame. Ici, il prend la forme d’un prélèvement opéré par des gestes modestes, le plus souvent apparentés à des tâches ménagères.

Ces pelhas ou peilhes — haillons, lambeaux, serpillières en occitan – peu à peu se garnissent de traces diffuses, d’empreintes éparses. Les motifs formés par des fils de coton brodés, surplombent ensuite les frottages et les macules. L’aiguille passe, le fil traverse, puis le point apparaît dessus, et les dessous du plan de travail laissent les fils s’emmêler, désordre possiblement révélé quand on retourne la pièce de tissu ou quand on met le fil en attente.

Muriel Valat-B pense à Louise Bourgeois : « J’ai toujours été fascinée par le pouvoir magique de l’aiguille. L’aiguille sert à réparer les dégâts ». Parfois apparentée à la tenue d’un journal intime, la réalisation des points de broderie s’exerce comme un geste de réparation. Muriel Valat-B reprise le temps, et une certaine forme de condition ; dans le travail du textile, on testait « la condition des soies ou des cotons » pour connaître leur résistance. En brodant les pelhas Muriel Valat-B teste moins la résistance des tissus qu’elle ne sacralise (donc met à l’écart) un espace domestique pour en faire une puissance de déplacement et de réparation. Mises sous vitrine, les pelhas, chargées d’existences, témoignent.

Avant l’image, il faut inventer des gestes. Gravir est donc ce nouveau protocole, tout autre et pourtant accolé à la gravure. Muriel Valat-B prélève des empreintes à l’encre, de galeries formées par des insectes sur des écorces dans le Fenouillèdes. Puis elle applique ces empreintes sur l’organdi et brode au fil blanc. En traversant l’étoffe plus ou moins imprégnée, le fil absorbe l’encre, il se teinte. Les boucles ourlées forment alors des galeries qui retracent les passages du fil. Elles font émerger le geste. Broder c’est gravir. C’est interroger le vertical et l’horizontal. C’est déloger les espaces, pictural et scriptural, et se tenir sur une ligne de suture, ce point de jonction entre deux éléments libres ou soudés.

Galerie Lligat, Mars 2023.

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On n’est pas des fauves

un parcours dans les collections du Musée d’art moderne de Collioure

VIALLAT Claude, CAPDEVILLE Jean, MASSON André, DESCOSSY Julien, COSME-ESTEVE Roger, KHODJA Frédéric, VALAT-B Muriel, TC TEAM WORK, ROCAMORA Jaume

photo : musée de Collioure

Collioure doit sa réputation à la venue, en 1905, d’Henri Matisse et André Derain. Ce voyage donne naissance au premier grand mouvement artistique du 20ème siècle, le Fauvisme, faisant de Collioure le creuset d’une modernité qui affirme la toute puissance de la couleur. À la fois prémisse et point d’orgue, le Fauvisme donne le ton d’une histoire artistique qui regarde sans cesse du côté de la couleur et de la lumière les voies d’une expressivité nouvelle. À travers un parcours dans les collections du musée, ce n’est pas l’histoire du fauvisme qui s’écrit mais celle de l’héritage laissé par Matisse et Derain à Collioure et de la façon dont les artistes s’en sont emparés, entre dévotion et iconoclasme.

La dernière œuvre peinte par Matisse est presque un monochrome. La toile, entièrement noire, est simplement encadrée de bandes bleues et vertes

Exposition du 28 octobre 2023 au 18 mai 2024

Œuvres au noir

galerie Lligat

avec Didier Béquillard, Marielle Degioanni,
Philippe Domergue, Frédéric Sabouraud,
Muriel Valat-B, Didier Van Der Borght

ŒUVRES AU NOIR De Zénon, personnage de “L’Œuvre au Noir”, Marguerite Yourcenar dit : “Il est en train de vivre l’œuvre au noir, c’est à dire la période de dissolution et de calcination de tous les concepts, tous les préjugés, toutes les notions sur lesquels nous avons accoutumé de vivre”.  Ainsi, l’artiste qui approche le noir peut, dans le sillage de Pierre Soulages, faire de la lumière une matière et renverser les données de la perception. Mais il peut aussi, dans un geste radical, donner un temps d’arrêt aux signes, déjouer le sens, expérimenter la vue, brûler les images, griller la matière. Il peut, au seuil du silence, de la disparition, défaire sa propre pratique ou chercher dans la nuit à s’en approprier toutes les données. Il peut encrer, encrer toujours plus, fabriquer des bains d’encre noir absorbée par des tissus et des fils qui gagneront une fois séchés une tenue inédite. Il peut halluciner, voir la nature que l’on sait menacée perdre sa chlorophylle ; il peut chercher l’aveuglement et reprendre face aux ténèbres la question posée par Marielle Degioanni : Do you Glow ?

VERNISSAGE
Samedi 29 octobre 2022 de 15h à 21h — 12 rue de la Révolution Française 66000 Perpignan

Vénus, organdi, pigments, 2020/21

Résidence bbk Berlin

Type writer n°1 sérigraphie 3 couleurs

bildungswerk du bbk berlin

 Le bildungswerk propose aux artistes plasticiens de Berlin un programme varié de formation continue et de perfectionnement, unique à Berlin et au-delà.

Il met à disposition de ateliers collectifs et spacieux en sérigraphie, lithographie, taille-douce, technologies numériques.

Les séminaires et les ateliers du bildungswerk se basent en partie les uns sur les autres et se complètent. Ils peuvent être réservés indépendamment les uns des autres et sont ouverts à tous les artistes professionnels de Berlin. Chaque année, jusqu’à 1.000 artistes profitent de l’offre du bildungswerk du bbk berlin.

Le bildungswerk est une filiale à but non lucratif du berufsverband bildender künstlerische*innen berlin.

en binôme avec Kati Gausmann

Atelier de sérigraphie dans le cadre de la résidence Linie

un programme de 3C Calce avec le soutien de la Région Occitanie

Maison de la gravure Méditerrannée

La Vie naît d’un pli

La Maison de la gravure présente La Vie naît d’un pli, une exposition personnelle de Muriel Valat-B, œuvres sur papier et œuvres textiles. Depuis les années 90, Muriel Valat-B travaille entre l’Allemagne et les Pyrénées Orientales. Sa recherche plastique – gravure et art textile – est traversée par l’acte d’écriture. Le geste de plier, qu’elle veut minimaliste, n’est pas relié à la seule pratique de l’art textile. Sur ses gravures, Muriel Valat-B appose des morceaux d’étoffes qui côtoient l’encre et ses sillons allant jusqu’à visuellement créer une impression de pli et de dépliement. Les directions données à sa recherche qui alimentent différentes séries sont traversées par une même tension expérientielle et une même conduite résumée par l’artiste : « Plier c’est écrire. Du bout des doigts, plier le tissu, interrompre sa surface, contrarier son déroulement. À l’endroit du pli, un pan disparaît. Par son apparition, le pli manifeste l’espace de la disparition ; il éclipse un espace, il crée un espace. Dans un seul et même geste, le pli opère un mouvement contradictoire de présence/absence. On ferme un pli, on ouvre un précipice. Le pli appelle une mémoire à fleur de peau, aménage un lieu pour ce surgissement ; sismographe, il trace la ligne, où rejouer la secousse. L’envers devient l’endroit où cela même affleure à la fois caché et libéré dans le pli. Plier c’est déplier. » 

Vernissage vendredi 11 février 2022 à 19 heures 

Exposition du 11 février au 12 mars 2022 

Maison de la gravure Méditerranée 105, Chemin des Mendrous 

34170 Castelenau-le-Lez 

Résidence LINIE

LINIE : corps/paysage – körper/landschaft 

Résidence d’artistes franco-allemande

une initiative 3C CALCE, avec le soutien de la Région Occitanie, du Fonds citoyen franco-allemand et de la SAIF

Artistes invitées : Kati Gausmann et Muriel Valat-B

La résidence artistique se déroulera en deux temps, en 2021 à Planèzes et en 2022 à Berlin.

Le paysage, l’environnement, informent notre perception, notre corps, notre caractère, notre image corporelle. Le fait que nous vivions à la campagne, en milieu urbain, dans un environnement confortable ou précaire influence notre perception de l’espace et notre comportement. Inversement notre expérience corporelle informe nos pensées, nos perceptions, notre environnement.

La résidence d’artiste franco-allemande, LINIE corps/paysage propose de questionner les relations entre notre corps et notre environnement et d’en faire l’expérience par la pratique du dessin en grand format. Résidence de création et de médiation culturelle.

Semaisons

exposition collective Galerie Lligat, Perpignan

Œuvres sur papier et céramiques

avec Avec Juli ABOUT, Naym BEN AMARA, Didier BÉQUILLARD, Brigitte KÜHLEWIND-BRENNENSTUHL, Nicolas DAUBANES, Marielle DEGIOANNI, Paola DI PRIMA, Valérie DU CHÉNÉ, Franck GABARROU, Kati GAUSMANN, Alexandre GILIBERT, Safia HIJOS, Amandine LASA, Mathieu LEGRAND-LOSFELD, Jérémy LOUVENCOURT, Pierre MACHE, Matthieu MALVOISIN, Muriel PERSIL, Frédéric SABOURAUD, Juergen SCHILLING, Muriel VALAT-B.

Du mercredi au vendredi 14h-18h et Le samedi 11H-18H. Tous les jours sur rendez-vous au 06 14 36 40 01.

Série Grün-ün

12 pièces, organdi, papier japon, cire, encre, graphite, fil de lin, 2021

Variations sur le Lied de Schubert/Müller Die liebe Farbe (Mein Schatz hat’s Grü-ün so gern) (Cycle die schöne Müllerin)

Couleur aimée, couleur haïe /die liebe Farbe, die böse Farbe, le vert ? le blanc ?  Dessus ? Dessous ?

Un vert qui tend vers le blanc ? Un blanc qui tend vers le vert ? 

In Grün will ich mich kleiden/Je veux m’habiller de vert, Mein Schatz hat’s Grü-ün so gern/Ma mie aime tant le vert

Les superpositions de différentes couches, organdi et papier ciré, proposent une surface/profondeur, opaque et translucide à la fois. 

Dans cet espace trouble, évoquant un verre dépoli, le regard, paradoxalement s’éclaircit. Libéré de toute fixité, ni dans la profondeur, ni dans la surface, suspendu entre les deux, il peut s’élargir.

Sinueuse ou droite, fragile, erratique, tremblée, une ligne d’écriture, un ruban vert /das schöne grüne Band tendu comme un fil rouge, invite au voyage : wo die Hoffnung grünt.