Mur de Broderies









Mon travail de broderie entretient une parenté avec la forme littéraire du journal, du carnet de notes et donc avec l’écriture. Inscrit dans la durée, il est « écrit » de façon régulière et sans idée préconçue, servant de mémoire et de champ d’expérience. À l’instar de petites notes sur des papiers maculés, les broderies sont réalisées sur des fragments de tissus découpés dans des vêtements usagés, renvoyant au corps, à l’intime. Elles ont vocation à être montrées en l’état de notes, témoins spontanés de l’expérience du quotidien, d’un dialogue avec les choses lues, les choses vues.
Ce travail s’impose à moi comme une opération nécessaire, menée sans visée systématique ; l’aspect ludique prime sur l’intention de faire « œuvre ». Le fil, s’abreuvant à de multiples influences, traverse la peau du tissu, brode un itinéraire de vie, structurant ainsi souterrainement la vie et le travail par son effet réparateur.
Fragmentaire, sautillant d’une chose à l’autre, ce travail rend compte de la difficulté de saisir un moi unifié et stable et remet en cause la consistance du sujet.
Phalènes #1



La Transparence de l’opacité
À l’origine des Phalènes, il y a une rencontre avec deux textes de Virginia Woolf -The waves/Les vagues et The death of the moth/La mort de la phalène- et une intuition, celle d’utiliser des tissus d’organza transparents qui changent de couleur par leur superposition.
Virginia Woolf est fascinée par les voiles de soie et les textures diaphanes. La dynamique de son écriture « central transparency » joue sur l’opacité pour atteindre la transparence et sur le mouvement contradictoire de montrer et de cacher.
Les Phalènes série 1 invitent à questionner notre rapport à l’espace : Que se passe-t-il » en dessous » ? Où est l’intérieur, où est l’extérieur ? Qu’est-ce qui est plus proche de nous, la surface ou la profondeur ?
Qu’est-ce qui est protégé, qu’est-ce qui est exposé ?
La transparence et la fragilité de ces matériaux pointent l’intimité et invitent à plonger dans les profondeurs de notre perception.

Phalènes #2

Phalènes #3

Parcours d’art contemporain, Thuir à ciel ouvert, 2021

Mobilité de l’air et de l’image
Avec Phalènes #3, série de 40 pièces réalisée en 2021, j’ai souhaité rendre visible la mobilité : mobilité de l’air et de l’image. Du fait du matériau très léger, sensible au moindre déplacement de l’air, les Phalènes sont mouvantes et peuvent prendre les formes les plus variées. De suspendre les Phalènes sur des filins exposées ainsi pendant plusieurs au vent elles ont changé de forme (voir photos Parcours d’art contemporain en extérieur, ville de Thuir, 2021, après le passage du vent/tramontane !). Elles n’ont donc plus de forme fixe ; elles vont et viennent entre la constitution et la mobilité. L’œuvre n’est plus là pour elle-même mais pour rendre visible l’élément air, pour manifester le dynamisme, éprouver en nous-même l’instabilité comme fondement et condition nécessaire à la vie.