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Catalogue Plissements

Éditions Lligat, 2021, préface Richard Meier, Conversation avec Claire Muchir, édité avec le soutien du CNAP

Catalogue Plissements Éditions Lligat 2021
Conversation avec Claire Muchir, conservatrice Musée d’art contemporain de Collioure, 2021

OUVERTURE
Le point. Le pli. Le livre, pour Muriel.

Le point segmente la page, le pli y fait son nid et la ligne porte l’écrit dans une suite de feuilles d’une page à l’autre. Point comme un tour ou une boucle unique d’un fil, ligne sur le pli en parts discursives. Le pli de ces pages reçoit les ponc- tuations du texte comme le livre où sont inscrites les œuvres rassemblées ici. L’énoncé disputé trouve toutes les figures possibles dans cet espace qui est lieu à l’envers des raisons, à l’endroit de la peau et au plus profond de la sensation. Le livre est constitutif d’un blanc paginal de cet ensemble mis dans un certain ordre. La pièce, en main, lors de son façonnage est tournée, ouvragée dans tous les sens, haut et bas. Lentement le tracé érige de par ses verticales un debout qui est la naissance de la pièce. Vient la photographie qui joue d’une lumière fixe comme on tracerait un trait. Ce qui est fait dans ce temps, l’intense et l’intention touchent le corps et la pensée, résurgence d’une maison (du plus profond de la peau). Bâti créé, ligne tracée, pointe sèche acérée, lourde de noir et redoutables barbes font danser ce corps architecture. De ce corps tout change, (Phalènes) construit par plis et lignes. De rares aplats ou noirs présents, blancs de la pièce à l’envers haussent le ton. Le cahier donné à voir ici, sans reliure, livre le lire sous conditions (prise en main d’un seul cahier… et autres libertés). La fragilité de ces pages réunies est à l’égal des œuvres présentes. Ces feuilles donnent un lire d’une écriture, passage dans un paysage mental et creusement de chemins, découverte d’un en deçà et au-delà. Weltanschauung.

La distribution des pièces passent du mur à la page et trouvent résonance dans ces cahiers. Une même lumière, des correspondances, ruptures et interruptions font le propos de Plissements. Complicité avec le soleil, du bord des obscurités des plis, le spectre du rideau est présent, qui, ouvert/fermé/ est gain de silence, garde et poche de traits et plis. Un emboîtement ajuste les lignes aux plissements faisant cloison et photophore rayonnant du dessein de l’artiste. Façade ou peau, le tissu ainsi travaillé tient debout, l’ondulation se joue des traits avalés ou en crête. La maison/peau, (l’auteure même), façade organdi, toile de coton et polyuréthane prennent la lumière. L’encre rabat et creuse ces luminescences, rappels de nature textuelle, encre donnée au support – vieille histoire des inscriptions. Un amour de l’encre. Dans le texte rien à déchiffrer d’un passé enfoui – rien à interpréter – juste plier – fouiller le regard. Dans l’entretien, la décapitation… qui me laisse entendre doublement Blanchot/blanc d’écriture, mais, pourquoi ? Mais, finalement faut-il préciser ?

Dans cet espace tu construis un monde. La lumière est lit de tes désirs, comme “la blancheur immaculée du rien, la perfection gratuite de l’inutile”, La vie mode d’emploi de Perec. Tu donnes jour au jour, mets à la question toutes les in- terrogations. Dans la maison où tu dors, les lignes tracent leurs chemins, en moments d’écoute du temps retenu. Colonnes sur le pli mangées par le pli, un trait devant ou de côté; le voile est mis et nous interpelle. Le fil n’est pas une ligne dans l’espace du dessin mais l’avance que prend le dessin tracé sur lui-même. Coudre et fixer la pensée. Fenêtres ouvertes, bords évanescents, la lumière est fenêtre, la couture devient ta matière, la main est l’être et le savoir et tes doigts s’offrent à la vie des tissus, pièce par pièce. Pièce sur pièce avec un point de bâti resté visible, la différenciation des pièces captent le regard. L’ourlet ne confirme jamais la fin de l’espace, une finition, (ourlet invisible) mais un goût secret de l’enrô(u)lement. Ces embrasures avec les biais travaillent la surface, pour un tombé de diagonales qui sifflent les changements de direction de plis et traits. Points d’arrêt, contournements, déviations, repentirs sonnent l’informulé des mots. Le point de chausson présent métaphoriquement dans le pli même des tissus, force diastole systole irrigue l’ensemble des pièces. Et maintenant on ne sait plus. On est bien ainsi. L’esprit d’éclairs passe impromptu, des coups de gongs. Éveil. Quelque chose est là qui demande à entrer dans ce monde de choses à voir. Affirmation. Écouter ta page du livre qui se tourne, un bruit de feuilles qui se frôlent, une lumière fixe, entre air et papier, opaque à plat, qui translucide génère ce fonds d’œuvres. Faire venir cela, le transcrire et le créer demande beaucoup d’attention. Ne pas fuir, rattacher le pli au trait, le recouvrement des pièces à la vague/pulsion. La transparence intrigue et attise le regard. Ta matière des pièces transfuse le sensible d’un moi qui s’agrège à toi. Attachement. C’est là qu’est la jonction de ton habitat/monde, au plus profond… songe fixé, tissu de peau, lieu de naissance. La vie embarque l’enfance jusqu’aux sources des mots intérieurs.

Richard Meier, Elne, juillet 2021

La nuit est usée, VOIXéditions, 2018

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L’envers et l’endroit par Jean-Paul Gavard-Perret 
Revue, Le Littéraire du 25 février 2018
Muriel Valat-B crée à tra­vers un art aussi rupestre que contem­po­rain. Curieu­se­ment, le point — qu’il soit passé empiété ou non– crée d’étranges figures qui ne sont pas sans rap­pe­ler Cy Twom­bly. Comme pour lui ; créer revient à décréer afin de mieux pro­po­ser des voyages. La « cou­seuse » repre­nant un fil pre­mier et par­fois un fil perdu pour à la fois réunir et dis­sé­mi­ner selon des mélo­dies par­ti­cu­lières : chris­tiques (la croix) ou sen­suelles (le téton sug­géré).
D’où la pré­sence de plages ou de coques arach­néennes où la vie se trame selon une méta­phy­sique qui trame un uni­vers phy­sique où le tex­tile crée une pré­sence allé­go­rique. Muriel Valat-B sug­gère le sen­ti­ment dif­fus d’un étrange accom­plis­se­ment en deve­nir au sein de ce qui semble reve­nir à des fes­tons pre­miers. Autour de ce qui se coud sub­siste une mul­ti­tude de pos­si­bi­li­tés. Le flux des pro­ces­sus vitaux trouve une nou­velle figu­ra­tion libé­rée des réfé­rences clas­siques de la psy­ché. L’être est donné dans le sen­tir d’une pré­sence de « prises » d’espaces sour­de­ment rem­plis mais aussi nour­ris d’intervalles.

Les œuvres inter­pellent nos cer­ti­tudes par tra­ver­sées et fil­trages. La répé­ti­tion des points est tou­jours contra­riée par leurs tailles inégales. Ils s’interrompent par­fois et reprennent pour don­ner un souffle aux formes afin que l’imaginaire crée un espace dis­tan­cié mais pré­gnant. Le tex­tile gagne en ouver­tures dans de tels tra­cés et cou­leurs comme si la main de la créa­trice le façon­nait « aveu­glé­ment » pour le faire appa­raître autre­ment. C’est une manière de faire sur­gir une réa­lité plus expres­sive et impres­sive par un trai­te­ment par­ti­cu­lier de la com­pa­cité et l’opacité du maté­riau (toile et fils).
Muriel Valat-b ins­crit de la sorte son tra­vail dans la pré­dic­tion mal­lar­méenne : ” rien n’aura lieu que le lieu “. Cas­sant le chaos par ses géo­mé­tries vaga­bondes, une moda­lité de rup­ture et de rapiè­ce­ment crée des pré­sences éton­nantes en un arpen­tage où des niches appa­raissent ça et là dans le plein ou par un seul effet de péri­mètres optiques. Tout pose un ques­tion­ne­ment essen­tiel sur les notions de pré­sence et d’espace.

 

 

Alpha

Texte de Gérard Cordesse

C’est d’étrange façon que j’ai découvert la nouvelle série de collages d’empreinte de Muriel Valat-B. Impatient de les voir, je lui ai demandé de m’envoyer leur réplique en CD-Rom, avant même de pouvoir apprécier leur matérialité si importante. Alors que je me penchais sur l’écran, mon ordinateur, trop poussif pour restituer aussitôt ces hautes définitions, ne m’en donnait qu’une version ralentie et évolutive : des points, puis des lignes, des taches colorées se matérialisaient peu à peu, avec une lenteur exaspérante mais émouvante, comme sécrétés par l’écran, et il me semblait voir monter des profondeurs d’une eau incertaine vers sa surface, des tracés, des silhouettes, des mouvements lents, comme si je me penchais au-dessus d’une de ces mares, les lavognes, qui parsèment les plateaux désertiques des Grands Causses et que Muriel Valat-B connaît bien. Ni lacs, ni étangs, ces grandes flaques recèlent une eau rare et précieuse, presque distillée par les couches d’argile rouge.
Cet événement irréversible a dicté ma vision des collages. L’unité du parcours esthétique de Muriel Valat-B m’est apparue plus nettement. Ce qui semble être en jeu c’est le rapport entre figuration et abstraction ainsi qu’entre fond et figure. Les précédentes estampes sans être réalistes restaient figuratives : variations sur des femmes assises, Vénus bleues qui s’inscrivaient contre un fond rupestre de granelures et de tracés aigus, puis des Judith éclatées qui brandissaient des couteaux et des têtes déformées bientôt devenues autonomes, taches de couleur et d’ombre qui occupaient toute la surface, et qui émergeaient à peine des fonds qui leur ressemblaient.
Émerger, submerger, c’est de cela qu’il s’agit. Dans la récente série de collages, la figure humaine, et les ombres mythologiques ne sont pas montées à la surface de la mare qui reste seule. Seule mais non pas vide car les vedettes exclusives sont à présent les paraphes, les bâtonnets, les nappes de couleur qui sabrent soudain la permanence du continu. Abstraction peut être, mais là où l’artiste épure, enlève, élimine, la perception du spectateur comme dans un Rohrschach jubilatoire replace, à défaut de figures humaines, des grèves, des roseaux, des écumes, des cailloux zens, des insectes-phasmes comme des brindilles de fantasmes, et le dénuement devient fourmillement, comme si la vie secrète de la mare montait irrégulièrement vers notre regard.
Toute étrangeté suscite interrogation ; La mare est bien sûr une métaphore personnelle et non une clef interprétative. D’autres spectateurs ou les mêmes à d’autres moments tenteront d’autres pistes : par exemple la défamiliarisation viendrait-elle de ce que nous sommes trop près ou de ce que nous sommes trop loin ; macrophoto, vue de satellite, ou microphoto de détails imperceptibles ? Que l’on choisisse l’une ou l’autre perspective et les étranges collages se réorganisent sous nos yeux. Quoi qu’il en soit, ce qui est oublié, c’est notre vision moyenne, routinière et rassurante.
Apprendre à regarder ces collages d’empreinte serait-ce enfin rincer l’œil ?


Es geschah auf eine seltsame Art und Weise, dass ich die neue Serie von Collage d’empreinte von Muriel Valat-B entdeckte. Ich war ungeduldig, die Collages zu sehen und bat die Künstlerin mir die Kopien auf CD-Rom zu schicken. Als ich mich über den Bildschirm beugte, war mein Computer zu langsam, um sofort diese feine Auflösung wiederzugeben. Nur langsam entwickelten sich die Bilder auf dem Bildschirm: erst waren es Punkte, dann Linien, die sich nach und nach mit quälender und zugleich aufregender Langsamkeit verdichteten. Es war, als ob der Bildschirm sie verhüllen wollte und mir schien es, als stiegen sie aus den Tiefen eines unbekannten Wassers an die Oberfläche empor. Zunächst waren es Linien, Schattenbilder, langsame Bewegungen. Mir war so, als beugte ich mich über einen jener “lavognes” genannten Wasser, die man auf den wüstenartigen Hochebenenen der “Grands Causses” im Massif Central findet. Muriel Valat-B kennt diese Landschaft gut. Die “lavognes” sind weder Seen noch Teiche. Ihr Wasser ist so rar und so kostbar, als hätte es die Natur aus den roten Tonschichten destilliert.
Diese erste Begegnung hat meine Sichtweise der Collages geprägt. Mir wurde die Einheit von Muriel Valat-Bs künstlerischem Schaffen deutlich. In ihrem Werk geht es um die Beziehung zwischen Gegenständlichkeit und Abstraktion sowie zwischen Figur und Hintergrund.
Die frühen Radierungen blieben gegenständlich ohne realistisch zu sein: Variationen über sitzende Frauen vor einem felsenartigen Hintergrund aus scharfgezeichneten Linien; eine zerberstende Judith, die mit Messern entstellte Köpfe von ihren Körpern befreite. Flecken aus Farben und Schatten, die die gesamte Oberfläche bedeckten und die kaum je aus dem Hintergrund hervortraten, dem sie so ähnelten.
Auftauchen, abtauchen - darum geht es. In der jüngsten Serie sind die menschliche Figur und die mythologischen Schatten nicht an die Oberfläche des Wassers getreten, die still bleibt. Still, aber nicht leer, denn die Blickfänge sind nun die Schraffuren, die Linien, die Farbflächen, die mit einem mal die Dauer des Stetigen aufbrechen. Vielleicht geht es um Abstraktion - aber eine solche, in der die Künstlerin reduziert, während der Betrachter wie bei einem Rohrschachtest erschließt: Sandbänke, Schilfrohre, Schaumkämme, Zen-gärten, Wasserläufer aus flirrenden Geisteswelten. Aus der Kargheit entsteht so ein Spiel an Formen, es scheint, als ob das geheime Leben des Wassers in unregelmäßigen Wogen zu unserem Blick emporstiege.
Alles, was seltsam ist, wirft Fragen auf. Die “lavogne” ist sicherlich eine persönliche Metapher und nicht ein Schlüssel zur Interpretation. Andere Betrachter oder auch dieselben werden zu einem anderen Zeitpunkt andere Wege einschlagen: vielleicht rührt die Befremdlichkeit daher, dass wir Dinge betrachten, denen wir ganz nah oder ganz fern sind - wie auf einem Satellitenbild, einem Makrophoto oder einer mikroskopischen Vergrößerung von Détails, die für das bloße Auge nicht mehr sichtbar sind. So möge jeder die eine oder die andere Perspektive wählen, damit die geheimnisvollen Collages unter seinem Blick neu entstehen können. Wie auch immer dieses geschieht, eines ist sicher: unsere alltägliche, routinemäßige und beruhigende Wahrnehmung wird vergessen sein.
Zu lernen, diese Collages zu betrachten, ist so, als ob man seine Augen mit klarem Wasser spült.

Prof. Gérard Cordesse
Universität Toulouse Le Mirail
(aus dem französischen von Barbara Prchala)

 

La Rencontre, revue des amis du musée Fabre, n°39

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da befiel sie furcht und angst, Gabriela Mecky Zaragoza

éditions Iudicium, Munich

publication gabriela meckapublication gabriela mecka innen

Galerie M, Berlin

Marzahner Heft, 2001

marzahner heft

ich bin Judith, Marion kobelt-Groch

le mythe de Judith et Holopherne dans la littérature et la peinture

éditions Leipziger Universitätsverlag

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la Rencontre, revue des amis du musée Fabre, Montpellier, page de couverture, 1997
Kunstedition SporkoNummer 9Nummer 7, Köln
la revue de l'estampe, bibliothèque nationale, Paris, 1995

 

 

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